Appel à Communication

IRLANDE : IDENTITE ET INTERCULTURALITE

« Like every culture ours is diverse, many-layered, dynamic, open to influences and ideas from every direction, full of conflicts and contradictions, and continually emerging. » Fintan O’Toole, dans son article « The Clod and the Continent : Irish Identity in the European Union » donne cette définition d’une culture irlandaise en mouvement, ouverte aux influences étrangères et en redéfinition permanente. Les années de forte croissance économique, la participation de l’Irlande et du Royaume-Uni  à l’Union européenne et l’accueil de nombreux immigrés sont autant de facteurs qui ont profondément modifié le paysage socio-culturel irlandais. Comment l’identité irlandaise s’est-elle adaptée aux défis lancés par le multiculturalisme ? Les Irlandais d’Irlande et d’Irlande du Nord perçoivent-ils l’influence grandissante des cultures étrangères comme un enrichissement ou une menace à leur propre identité ? Cette question semble d’autant plus pertinente pour la période actuelle, que les crises économiques sont souvent des périodes où ressurgissent des tensions entre le(s) groupe(s) dominant(s) et les minorités.

En dépassant le cadre strictement contemporain, nous proposons aux contributeurs de s’interroger également sur le rôle joué par l’interculturel et le rapport à l’autre dans la définition de l’identité sur l’île et de saisir le dynamisme de la culture irlandaise qui n’a cessé de se redéfinir au contact des cultures étrangères et européennes notamment, dans un double mouvement de répulsion et d’attraction. L’autre, l’étranger peut ainsi jouer le rôle de repoussoir lorsqu’il s’agit de donner une définition de l’identité irlandaise – les Catholiques n’étaient pas anglais et les Protestants d’Ulster n’étaient pas catholiques, par exemple. On peut se souvenir de la réponse fameuse de Samuel Beckett, qui avait l’habitude de répondre « au contraire » lorsqu’on lui demandait s’il était anglais. La notion même d’identité irlandaise revêt des réalités différentes, en fonction de la période, du lieu et selon qui formule cette définition. On pourra ainsi s’interroger sur la manière dont les différentes communautés (Catholiques, Protestants, Travellers, immigrés et demandeurs d’asile, anglophones et gaélophones, Ulster Scots  ) cohabitent sur l’île, appréhendent leur propre Irlandicité ou, à défaut, leur place dans la société irlandaise, et se représentent l’Irlandicité d’autrui.

Si l’autre peut être un contre-point, il est aussi synonyme d’exemple et d’enrichissement. C’est ainsi que le nationalisme irlandais a bénéficié de l’influence des courants et des idées venus d’ailleurs : les théories économiques d’Arthur Griffith adaptent les travaux  de l’économiste allemand Frederick List au contexte irlandais ; James Connolly et James Larkin fondent le mouvement ouvrier irlandais en regard de ce qu’il existe en Grande-Bretagne et ailleurs en Europe ; la création de la GAA est une réponse à la volonté britannique de codifier un certain nombre de sports ;  le Celtic Revival, dans le but de se démarquer de l’Angleterre, s’est souvent inspiré de la poésie et du théâtre français d’avant-garde, pour ne citer que quelques exemples. En Irlande du Nord, l'Accord du Vendredi Saint n'a été possible que grâce à la médiation efficace de puissances étrangères, notamment des Etats-Unis et de l'UE, outre la détermination du Royaume-Uni et de la République d'Irlande de parvenir à un accord. Le mécanisme consociationnel mis en oeuvre par l'Accord de Paix s'inspire abondamment de systèmes politiques étrangers (Arend Lipjhart 1977, 1980). De même, les réformes de la police et de la justice pénale ont été influencées par des systèmes éprouvés ailleurs. Enfin, l'adoption de la Convention Européenne des Droits de l'Homme a modifié le format constitutionnel du Royaume-Uni et bouscule ses valeurs. Après des décennies de conflit endogène, l'ouverture à l'extérieur a contribué à ouvrir la voie vers une paix durable. Par ailleurs, la pacification progressive des relations entre Catholiques et Protestants ouvre la voie à de nouveaux champs exploratoires. Des travaux analysant la place des minorités ethniques en Irlande du Nord aujourd'hui et les nouveaux défis qu'elles lancent à la société Nord-irlandaise seront les bienvenus.

Les pistes de travail ici suggérées ne sont pas, bien sûr, limitatives. Nous pensons que ce sujet permettra d’inclure notamment des approches issues des disciplines suivantes : histoire et histoire des idées sociologie science politique linguistique littérature histoire de l’art.

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